Caël Drake [APPROUVE]

Caël prit la feuille de papier que lui tendait la dame, et se dirigea docilement vers un banc. Il posa le papier dessus, et grimpa sur le banc en s’aidant de ses bras, avant de s’asseoir correctement en laissant ses jambes se balancer dans le vide. Le papier était couvert de toutes sortes de signes. Il pencha la tête sur le côté, et étudia les lettres une à une. Soudain, il poussa un cri ravi, et sourit jusqu’aux oreilles.
« La lettre là, c’est un « C », comme dans Caël ! » dit-il tout fièrement, en montrant l’endroit sur la feuille. Mais son sourire s’effaça lorsqu’il regarda autour de lui. Personne ne lui prêtait attention. Il regarda intensément la dame qui lui avait donné le papier, mais elle ne tourna pas la tête vers lui en le félicitant comme l’aurait fait sa maman. Elle ne se leva pas pour lui caresser affectueusement les cheveux comme l’aurait fait son papa.
Caël essaya de résister au flot de souvenir qui montait en lui, mais son petit menton se mit à trembler, et ses yeux se remplir de larmes. Il renifla, et s’essuya le nez sur sa manche.
Cela attira l’attention d’une dame très jeune qui leva la tête vers lui, comme pour lui poser une question. Caël s’arrêta en plein reniflement, et tourna ses yeux embués vers elle.

« Allons, ne pleure pas ! Qu’est-ce qui te chagrine comme ça ? »

Elle avait une voix qui ressemblait à celle de sa maîtresse. Caël lui tendit le papier d’un air timide, avant d’avouer, tout peiné :

« Je sais pas lire »

La dame sourit, et alla s’asseoir à côté de lui. Et elle commença à lui poser des questions…

Le petit bonhomme que j’ai devant moi est haut comme trois pommes. Il a les cheveux blonds, châtain clair peut-être, et des yeux d’un bleu magnifique que devait adorer sa maman. Il a un petit nez en trompette, et quand il sourit, son visage s’éclaire comme s’éclairerait celui de n’importe quel enfant de cet âge. Il porte un jean et un sweet un capuche qui n’ont pas du être lavés depuis quelques temps, et il a des traces de feutre et de crayon plein les doigts. Ses chaussures sont en mauvais été et couvertes de boue, mais il n’a pas l’air de s’en soucier. Il a une petite cicatrice à la base du coup, mais il n’a pas voulu me dire comment c’était arrivé. Peut-être le dira t-il a quelqu’un en qui il a confiance, ou peut-être ne s’en souvient-il tout simplement pas…

Difficile à dire, étant donné le peu de temps que j’ai passé avec lui, et le fait que je ne sois pas très psychologue. Il m’a l’air comme tous les enfants de son âge : parfois joyeux, parfois énervé pour des petites choses, parfois capricieux, parfois malicieux. Mais pour aujourd’hui, je lis surtout dans ses yeux une peur et un besoin d’affection. De tout évidence, ces parents ne sont pas avec lui, et ils lui manquent terriblement. Il n’a pas l’air d’être trop farouche avec les étrangers, puisqu’il répond à mes questions sans rechigner, mais je ne sais pas s’il ferait ça avec tout le monde, ou si c’est mas tête qui lui convient.
J’ai aussi pu remarquerqu’il aime bien dessiner, et que c’est pour lui un moyen d’expression important. Vous en serez sûrement convaincus aussi en lisant ce qui suit…

Caël gigotait sur son siège. La femme faisait de belles boucles régulières sur le papier, et lui posait des questions. Mais quand elle lui demanda « Est-ce que tu peux me dire comment tu es arrivé ici ? Où sont ton papa et ta maman ? », il ne put lui répondre. Tout se mélangeait dans sa tête et il ne savait pas comment exprimer ce qu’il voulait dire.
Alors il tendit sa petite main, et pris repris la feuille à la dame.

« Je veux le faire tout seul ».

La dame marqua un arrêt et fit la même tête que sa maîtresse le jour où quelqu’un avait mit de la peinture partout par terre. Mais elle lui rendit la feuille, et retourna compléter son propre papier sur un autre banc. Caël prit la feuille et son sac à dos et descendit du banc.
Il s’allongea par terre sur le ventre, mit le papier devant lui et sortis les derniers crayons qui lui restaient. Du noir, du rouge du marron et du jaune. Son bleu fonctionnait aussi encore, mais presque plus.
Caël réfléchit un instant devant la partie blanche de la feuille, puis pris son crayon noir et commença à dessiner. D’abord, une maison. Avec deux fenêtres en haut, une pour la chambre de son grand frère, une pour sa propre chambre. Et un porte bien sûr. Barrée d’une croix noire. Ca, c’était arrivé quand son grand frère est tombé tellement malade qu’il était obligé de rester au lit. Il ajouta un bonhomme devant la porte qui faisait au-revoir. Ca c’était sa maman, avec des longs cheveux jaunes. Il ajouta un livre dans sa main. Sa maman lui faisait l’école depuis que les écoles étaient fermées. Caël se souvint de sa tristesse quand sa maman lui avait dit qu’il y avait des gens très malades et que c’était pour ça qu’il ne pouvait plus y aller. Mais l’école à la maison c’était très bien. Et le midi bien meilleur qu’à la cantine.
Jusqu’à ce que sa maman tombe aussi malade.
La bouche de Caël se tordit, et un sanglot lui échappa. Mais il continua son desin.
Il ajouta deux personnes qui partaient de la maison. Lui, petit avec un sac-à-dos, et son papa, très grand. Caël se souvint de leur départ. Il était tout triste, mais il n’avait pas eu le droit de serrer sa maman ou son frère dans ses bras.

« Tu risques de leur faire mal, il sont très malades » lui avait expliqué son papa. Mais Caël n’y croyait pas. Si ce n’était que cela, il aurait au moins eu le droit d’enter dans leur chambre pour leur dire au revoir de loin !
Caël dessina ensuite des collines avec de grandes herbes. Mais comme il n’avait pas de vert, il les fit en marron. Lui et son papa avait marché longtemps, et avaient dormis dans une tente, comme des aventurier. Ca avait duré très longtemps, et Caël avait demandé plusieurs fois quand ils allaient pouvoir rentrer à la maison, mais son papa n’avait jamais répondu à la question.
Peut-être qu’ils seraient encore dans les collines à marcher si un jour son papa n’avait commencé à avoir mal au ventre. Caël s’en souvenait très bien. Il dessina un bonhomme qui se tenait le ventre et qui crachait du rouge.

« C’est du sang ? » Il se souvenait avoir posé la question, alors que la réponse lui faisait peur.
« Mais non mon chéri, ne t’inquiète pas, c’est du colorant. Tu sais ce que c’est le colorant ? » Et à présent il le savait. Mais le même jour, après mangé, son papa s’était agenouillé devant lui et lui avait dit :
« Tu vois ce gros bâtiment là-bas, Caël ? Je veux que tu y ailles, et que tu m’attendes là. J’arriverai dès que possible. Mais tu m’attends là-bas, à l’intérieur, d’accord ? Fais le plus vite possible, court, et rentre dedans. »
Caël avait pleuré, taper, hurlé, mais rien n’avait fait. Son papa l’avait laissé seul. Et à présent il était dans un lieu étrange en train de faire des dessins, alors qu’il avait faim et soif, et que son papa n’arrivait toujours pas.

Caël s’arrêta et contempla son dessin. Est-ce qu’il manquait quelque chose ? Il aurait bien colorié le ciel, mais son bleu ne marchait presque plus… Il réfléchit un instant, puis pris son crayon noir et ajouta une dame avec des grosses lunettes et des papiers dans les mains.
Caël s’assit. Il avait finit. Comme sa maman le lui avait appris, il reboucha avec soin tous ses crayons.
Puis, il se releva, pris son sac à dos, et alla timidement donner la feuille de papier à la dame aux grosses lunettes.

La dame aux grosses lunettes pris son papier et commença à regarder ce qu'il y avait dessus. Caël la regardait avec des grands yeux, un peu effrayé. Il avait l'impression de se trouver devant une sorcière. Est-ce que ça pouvait en être une ? Il fixa ses lèvres avec attention, tandis qu'elle parcourait la feuille. Est-ce qu'elle allait lui jeter un sort ?
Mais la dame se contenta de ranger son papier. Puis elle se pencha vers lui, et lui donna des feuilles pour aller dessiner. Caël poussa un soupir de soulagement. La dame lui faisait finalement plus penser à sa grand-mère qu'à une sorcière. N'empêche qu'il la surveillerait.

Il prit la feuille et alla s'installer sur une chaise pour dessiner, assis en tailleur. Il jeta un coup d'oeil aux allentours, mais il était tout seul à présent, avec la dame aux lunettes qui était replongée dans son journal. Peut-être que son papa était entré par une autre porte ?
En attendant, Caël decida de lui faire un dessin. Il dessina un grand bonhomme à côté d'un plus petit, et il écrivit "Papa" en lettres tremblantes au dessus du plus grand. Puis, il prit son stylo bleu et ajouta plein de coeurs.
Tant pis si son feutre ne marchait plus après ça.

Il était en train de colorier un des coeurs quand une grande fille arriva et commença à lui parler.
Caël n'écoutait qu'à moitié. Ses yeux étaient fixés sur les cheveux blonds de la fille. Comme ils brillaient ! Peut-être que c'était la fée qui allait combattre la sorcière ? Il jeta un coup d'oeil vers la dame aux lunettes, mais elle avait l'air qu'avait sa grand-mère quand elle tricotait. Est-ce que alors c'était elle la fée transformée en vieille dame ? Et est-ce que la gentille fille était la sorcière ?

Cria -t-il de la voix stridente qu'il utilisait lorsque ses parents ne voulaient pas céder. Puis, il pensa que, au cas où la fille était vraiment une sorcière déguisée, il vallait mieux être poli.

Le menton de Caël se mit à trembler, et ce qui devait arriver arriva. Une grosse larme dévala sa joue et s'écrasa sur son dessin. Pourquoi devait-il aller voir le médecin ? C'était son papa qui était malade, pas lui ! S'il y avait des médecins dans ce lieu étrange, pourquoi n'allaient-ils pas chercher son papa pour le guérir ? Pourquoi n'allaient-ils pas voir si son frère et sa maman avaient besoin de quelque chose ?
Caël se sentait de plus en plus oppressé. Il avait la gorge serrée, qui lui faisait mal, comme si ses pleurs étaient trop gros pour sa gorge.

La fille-qui-était-peut-être-une-sorcière lui parlait, mais c'est tout juste s'il lui prêtait attention. Il fixait désespérément la porte à travers ses larmes, dans l'espoir de voir soudain apparaître son papa. Caël imaginait la scène. Il courrait dans ses bras, et son papa le ferait tourner autour de lui. Mais la pièce restait désespérement vide. Même s'il n'écoutait pas réellement ce que lui disait la jeune femme, le ton appaisant fini par le calmer. Caël n'était à présent secoué que par de petits sanglots, qui trahissaient sa souffrance. Doucement, il rangea son dessin dans son sac, et reboucha ses feutres un à un. Son papa lui avait dit d'être sage, il allait tout faire pour être gentil. Comme ça quand il reviendrait, il lui ferait un grand sourire, comme la fois où il avait réussit à faire du vélo sans ses roulettes.

Caël descendit de son siège, et tendit sa petite main à Katie. Peut-être le médecin lui donnerait-il un bonbon ? Il allait se laisser emmener, lorsque soudain, il dégagea sa main et courru vers la dame aux lunettes. Il s'arrêta devant son bureau, et dit tout doucement :

Et sans attendre la réponse, il courru dans l'autre sens et tendit sa main à Katie, sans un regard en arrière. A présent, il était prêt.